Média Portraits

Du coeur et des tripes

l'art de diriger
Martine Abbou
Ecrit par Martine Abbou

Quand on l’interroge sur lui même, Robert Papin http://www.robertpapin.com nous livre: “Ma femme vous dira que je suis un perfectionniste difficile à supporter car obnubilé par le désir de changer le système éducatif et le management des entreprises.”

Invité lors de notre déjeuner networking du 5 mars, Robert a bien voulu répondre à nos questions et surtout livrer quelques réflexions aux femmes dirigeantes, présentes ce jour là. A la question, pourquoi écrire maintenant son livre , Former des Leaders, oui c’est encore possible, sa réponse a été.

Les principaux obstacles au changement dans notre société sont imputables aux chefs d’entreprises qui ne délèguent pas suffisamment de responsabilités à leurs collaborateurs. Ils ne font pas assez confiance à leurs capacités de création et d’innovation. Grave aussi, le système éducatif forme des apprenants et non des entreprenants. je suis sorti aussi de ma réserve quand j’ai appris que la business school d’Harvard s’inspire de la pédagogie que je défends depuis trente ans, et s’en attribue la paternité.

Sommes nous en danger de Leaders? Oui car il n’est pas évident que les chefs d’entreprise et les enseignants changent de comportement, non car les jeunes commencent à comprendre qu’ils doivent regarder vers le futur pour sortir de la précarité. Avouer aussi, les médias ne s’intéressent pas trop a la formation.

Faut-il se sentir responsable de voir des centaines de jeunes confrontés au chômage? il est vrai que les parents ont en tête une hiérarchie des métiers qui est fondé sur la durée des études et non sur l’utilité des métiers. Il serait plus noble d’être professeur, avocat ou médecin que d’être boucher ou créateur d’entreprise. Le pire est que notre société a sanctifié le principe d’égalité et s’est opposée à la sélection. Des milliers de jeunes se sont engouffrés dans des filières universitaires sans débouchés alors que dans le même temps l’apprentissage et les métiers manuels étaient boudés.

Pourquoi la France a t’elle fait le choix académique? Depuis plus de 40 ans les parents et les enseignants considèrent qu’une carrière professionnelle est conditionnée par l’accumulation des connaissances et par l’intelligence mathématique et non par les qualités humaines des élèves. C’est pourquoi les enseignants sont jugés par d’autres enseignants sur leurs diplômes, leurs recherches et leurs publications. Les clients des enseignants ce sont les autres enseignants, et les étudiants sont considérés comme de simples usagers du système éducatif.Or l’embauche et la carrière professionnelle de ces étudiants reposeront autant, sinon plus sur leurs qualités humaines que sur leurs connaissances. Aujourd’hui les parents sont eux mêmes trop débordés pour assumer la formation humaine de leurs enfants et les enseignants ne sont pas en mesure de prendre la relève.

Les jeunes vont-ils pratiquer plusieurs métiers?Le monde bouge si vite que la probabilité est élevée de changer de métier et c’est un des défis à relever de former des jeunes à prendre en main leur propre destin. Plus facile à dire qu’à faire.

Pourquoi les universités n’ont elles pas fait le choix de l’entreprise et de la culture d’entreprendre? c’est dans l’université que l’on trouve le plus de doctorat et moins d’entrepreneurs, car la notion de profit est souvent suspect et les chefs d’entreprise aussi. En fait l’université et l’entreprise se connaissent mal. Si elle décidait de participer un peu à la vie de l’entreprise les solutions évolueront rapidement.

Votre séjour aux états Unis vous a fait écrire dans votre livre que les élèves sont considérés comme des clients, et c’est l’armée qui vous a fait comprendre que le management des hommes et des femmes ne s’apprend pas en salle de classe ni dans les bouquins mais sur le terrain à coup de difficultés surmontées et la capacité à réparer les erreurs. A l’armée encore que c’est en délégant d’emblée le maximum de responsabilités que les individus auront envie de se dépasser et de réaliser des miracles. 

Pourquoi les élus et les chefs d’entreprise depuis plus de trente ans n’ont-ils pas compris qu’ils avaient les mêmes défis? Probablement parce qu’ils n’ont pas les mêmes objectifs. Un vrai chef d’entreprise c’est celui qui a des insomnies à la veille d’échéances financières difficiles parce qu’il travaille avec son argent. Si l’élu a pour objectif principal de se faire réélire, il ne prendra pas de risques.

Dans vos regrets, vous évoquez l’importance de la fonction vente et commercial qui a été sous estimé dans la formation:Les écoles de management privilégient l’intelligence logico-mathématique et verbale dans leur section et leur formation, c’est pourquoi elles forment des analystes et des techniciens du management, pas des managers ni des leaders. Pour ces écoles ce qui est noble c’est la stratégie et le marketing pas la production et la vente. Ce qui est demandé c’est la compression de coûts. 

Ne pas chercher à économiser mais gagner plus? oui en quelque sorte. Ne pas oublier aussi que les partenariats sont de bons accords pour modifier certaines attitudes. Pourquoi ne pas mettre à la tête d’une école d’ingénieur un directeur entrepreneur pour former des ingénieurs entrepreneurs, c’est l’expérience menée par l’école des mines d’Ales. http://www.mines-ales.fr

Sur l’entrepreneuriat féminin, Robert Papin pense que le pire serait que les femmes chefs d’entreprise soient considérées comme une minorité à protéger. Il pense que les femmes sont parfaitement capables de se protéger elles mêmes et surtout: elles ont une intelligence émotionnelle que ne possèdent pas leurs concurrents masculins. Dans une société qui privilégie le pouvoir et l’argent, on a oublié que le courage et la générosité sont les qualités des grands leaders. On peut compter sur les femmes pour restaurer ces priorités.

Clin d’oeil critique de Robert Papin: Avec regret, les magazines gagnent de l’argent avec les classements d’écoles qui mettent en avant les qualités de logique et d’analyse qui sont mesurables et, une fois encore les qualités humaines ne le sont pas.

Restons malgré tout optimiste, nous pourrons peut être former de vrais leaders entrepreneurs en France.