Femme d’exception, elle a bâti son destin à la force du poignet. Elle brule d’envie de changer le monde et n’attend personne, elle fonce. Son énergie est un brasier.
Dès notre première rencontre, j’ai compris qu’Agnès Bricard ne parle pas, elle fait. Femme d’action et de conviction, elle inspire le respect par sa droiture et son engagement. Agnès ne cède pas aux modes, elle est vraiment une drôle de dame, une femme incroyable et pardessus tout une pionnière du monde économique. Elle aime l’entreprise et la défend, expert-comptable visionnaire, elle a su imposer son intelligence dans un univers longtemps masculin. Première femme présidente du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, elle a ouvert la voie à toute une génération.
Son combat ? Elle en a plusieurs mais son grand cœur penche vers les entrepreneurs et a fait de son métier une œuvre. Sa loyauté va très souvent aux PME, à ceux qui créent de la valeur réelle. Face au pouvoir, Agnès parle avec mesure, compétence et fermeté, elle ne cherche pas forcément le pouvoir mais l’influence utile. Il est vrai, nous nous connaissons peu, mais certaines rencontres suffisent à révéler l’essentiel. Agnès Bricard dégage une force rare : celle d’une femme qui allie intelligence, je le répète, feu intérieur et bienveillance. Très vive, elle capte, inspire et entraine. Rien n’est tiède chez elle… tout est vrai.
Très honorée de lui donner la parole, chez wimadame, nous aimons les femmes qui osent, celles qui tracent. Elle ne cherche pas la lumière elle l’a créé. Bravo à son esprit libre… Agnès Bricard, la voix qui pourrait éclairer nos conversations digitales, elle rappellerait que le leadership féminin existe bien et se construit dans l’action, pas dans des slogans. Agnès pense haut et agit juste.
Merci à elle d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Belle lecture à vous.
Martine
martine.abbou@wimadame.com
La parole à Agnés Bricard
Merci de vous présenter
Dans le monde feutré, longtemps masculin, de la profession comptable je me suis engagée à faire bouger les lignes avec la posture d’une femme à la fois technicienne rigoureuse, stratège engagée et militante déterminée, toujours pionnière dans son domaine !
Dès le début de ma vie professionnelle, j’ai compris que pour avoir une chance de faire évoluer cette profession, et notamment d ‘améliorer les process dans nos cabinets, il fallait rejoindre les lieux de pouvoir, lieux d’information privilégiés.
Avant même l’obtention de mon diplôme d’expertise comptable en 1983, j’ai souhaité m’impliquer dans les associations de jeunes experts-comptables stagiaires afin de participer pleinement à la vie de la profession. Après avoir présidé l’Association Nationale des Experts-Comptables Stagiaires (ANECS) j’ai créé et présidé le Club des Jeunes Experts-Comptables (CJEC) entre 1983 et 1985.
Dans le même temps, je m’associe à Elisabeth Lacroix-Philips pour créer mon cabinet. Deux femmes associées ! Quelle originalité.
Je me suis naturellement impliquée dans la vie des instances de la profession : élue de l’Ordre des Experts-Comptables région Paris Ile-de-France de 1987 à 2001, j’en ai assuré la présidence en 2001 et 2002.
Elue au Conseil Nationale de l’Ordre des Experts-comptables en 2005, puis vice-Présidente du Conseil National en 2009 et 2010, mes pairs m’élisent première Femme Présidente de l’Institution en mars 2011 pour un mandat de deux ans qui s’achèvera en mars 2013.
Après avoir créé l’Association des Femmes Experts-Comptables (AFEC) et la Fédération des Femmes Administratrices (FFA) en 2012 – en réponse à la Loi Zimmerman de 2011 – j’ai également œuvré pour l’ONG internationale, Business & Professional Women France, que j’ai présidée à partir de 2018, afin de faire progresser l’égalité salariale et la gouvernance mixte dans les postes à responsabilité.
J’ai voulu transmettre les codes d’accès du pouvoir à toutes les femmes qui souhaitent accéder au leadership au féminin et à la gouvernance mixte.
Depuis 2021, les pouvoirs publics m’ont confié une mission d’ambassadrice à l’intéressement et à la participation aux côtés de François Perret, énarque, qui vient d’être renouvelée jusqu’au 31.12.2026, enjeu de justice sociale.
Racontez-nous votre passion, qu’est-ce qui vous a donné envie de créer votre entreprise, ou reprise d’entreprise
Lorsque la volonté de s’associer avec un confrère ou à une consœur est là, ce ne sont ni le nombre d’associés, ni la durée de l’association qui comptent pour réussir. Pour une fois, il ne s’agit pas de compter seules la qualité de la relation de confiance établie et l’intuitu personae entre les deux associés, permettent de mesurer les chances de réussite d’une association. Les associations les plus fructueuses sont souvent celles qui réunissent des personnalités opposées : les défauts de l’une sont les qualités de l’autre et vice versa !
Dans une association, on trouve une symbiose qui dépasse la simple collaboration professionnelle. Il s’agit d’une véritable alchimie mêlant confiance, respect mutuel et partage continu des compétences et des connaissances. La complémentarité des compétences et des perspectives enrichit toujours la pratique et l’intelligence collective.
L’engagement commun envers nos clients est une promesse reprise de façon implicite dans chaque action entreprise avec éthique et dévouement.
Je n’ai eu qu’une seule associée durant toute ma carrière professionnelle et j’ai eu beaucoup de chance de l’avoir à mes côtés durant toutes ces années où j’ai été souvent très occupée par mes activités au sein des institutions de la profession. Ce contexte doit permettre à chacun d’envisager une vision très rassurante de la « notion d’associé » dans sa pérennité.
Durant toute ma carrière, j’ai eu une associée « super héros » à mes côtés !
Grâce à son talent, à notre estime réciproque, à la reconnaissance des clients et de mes collaborateurs, je vis régulièrement des moments particulièrement gratifiants !
Votre principale qualité
Les femmes de ma génération qui ont souhaité occuper des postes de leadership ont dû se comporter comme des hommes ! Cette posture ne peut bien sûr constituer un modèle mais elle permet de prendre le leadership et de commencer à poser idées, actions, … Aujourd’hui, nous défendons les valeurs féminines aux postes de gouvernance mixte.
J’ai beaucoup appris au contact des autres… ma curiosité et mon ouverture aux autres au-delà du genre ont toujours été mes forces.
« La curiosité est une des formes de la bravoure féminine » (Victor Hugo).
Votre rêve le plus fou
Transformer le millefeuille administratif en un sorbet citron. Malgré l’avènement du numérique, l’arrivée de l’IA nous souffrons encore trop de lourdeurs administratives qui découragent les initiatives des créateurs d’entreprises. Pour simplifier nous sommes contraints de passer par la loi. Trouver un chemin plus court entre le millefeuille et le sorbet citron !
Votre coup de cœur
Il faut avoir des convictions et les porter. Je suis convaincue que Mixité et parité apportent des changements dans la gouvernance des entreprises car les femmes ont ce que j’appelle « le sens du décloisonnement ».
On voit apparaître des changements dans les entreprises dès lors que les femmes sont au pouvoir, on voit une écoute, une empathie et un partage se mettre en place, en faveur d’un développement plus harmonieux et favorable à la compétitivité et à la durabilité.
Je vous donne ces exemples parce qu’ils me caractérisent, mais aussi pour dire aux femmes qu’elles doivent avoir une influence forte, chacune dans leur domaine.
« Dans la vie il n’y a pas de solutions ; il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent » (Saint- Exupéry).
Votre coup de gueule
La déshumanisation des entreprises avec le télétravail. C’est un sujet préoccupant. Nous avons basculé dans le télétravail avec la crise sanitaire. Les entreprises ont mis très rapidement des accords en place et aujourd’hui j’ai le sentiment que leur intelligence s’est endormie. Tout simplement parce que les salariés ne se voient plus sauf en visio …et peuvent plus difficilement se créer des réseaux.
Les entreprises étaient des ruches bourdonnantes aujourd’hui le télétravail a coupé, un peu le son …
Il faut réinventer le télétravail, les accords d’entreprises ne peuvent pas gérer les situations individuelles. Il faut trouver un modèle intelligent, souple, adaptable qui permettent de préserver l’âme de nos entreprises et de développer les talents des ressources humaines.
Quel a été votre plus grand défi ?
Probablement devenir présidente de l’Institution représentant ma profession puisque j’ai été la première femme a accédé à cette fonction et que pour y parvenir j’ai dû me battre comme un homme mais j’y ajouterai volontiers l’accompagnement :
L’accompagnement, c’est le cœur de notre métier au sein de nos cabinets mais aussi dans la gouvernance de nos institutions.
L’accompagnement est le marqueur de la plupart de nos actions au profit de nos clients entreprises, associations, particuliers qu’il s’agisse de les accompagner dans un projet, dans la création ou le suivi d’une activité ou encore dans une période difficile quand l’activité décroche ou qu’un malheur survient.
L’accompagnement c’est aussi la prévention pour éviter les difficultés. Prévenir pour éviter d’avoir à soigner dirait un médecin. L’expert-comptable comme le médecin est aussi là pour prévenir, anticiper et trouver le plan qui permettra de maintenir l’activité.
L’accompagnement c’est aussi celui des politiques publiques, la volonté politique de notre ministère de tutelle d’engager notre profession dans l’explication des réformes aux entreprises sur le terrain.
J’aime bien dire que, d’une certaine façon, l’expert-comptable c’est un peu le « compagnon » des entrepreneurs toujours là pour les aider dans les bons et les mauvais moments !
Comment avez-vous trouvé vos premiers clients ?
C’est un souvenir lointain … mais toutes mes actions dans les réseaux d’entreprenariat, avec des contacts physiques, m’ont permis de croiser et de convaincre bon nombre de chef d’entreprises à rejoindre notre cabinet.
Vos trois mots préférés
Ouverture, transmission des savoirs, conviction.
Qu’aimeriez-vous transmettre dans votre vie ?
Les valeurs qui m’ont permis de réussir mais aussi celles qui m’ont permis de surmonter les échecs.
Vie pro/ Vie perso, compatible avec l’entrepreneuriat ?
L’entreprenariat n’est pas une prison, c’est une forme d’engagement qui ne peut pas convenir à tout monde … En tous cas je suis convaincue que ceux qui choisissent cette forme d’engagement ne se posent pas la question !
Quelles questions auriez-vous aimé que je vous pose ?
Comment se fait-il que vous ne soyez pas engagée en politique pour gérer une circonscription, une Mairie ou un Ministère ?