Texte rédigé par Anne de Monterlot
Après une carrière à New York dans la finance et la publicité, Anne de Montarlot est devenue psychothérapeute. Elle exerce à Londres depuis 14 ans. Elle est aussi l’auteure avec Elisabeth Cadoche d’un livre intitulé : Le syndrome d’imposture. Pourquoi les femmes manquent tant de confiance en elles ? A paraitre aux Éditions Les Arènes après le confinement.
La confiance corporelle
Être une jeune fille, c’est avant tout renfermer un trésor de potentiels dont on ne mesure pas encore la portée. Cette frange de la population a tendance à être animée d’une confiance en elle encore toute fraîche alors qu’elle s’apprête à rencontrer et à forger son destin. Un âge tendre certes, mais qui, ne l’oublions pas, est déjà empreint de nombreuses expériences de vie. Le recul nécessaire est rarement au rendez-vous pour démêler des sentiments souvent vécus de façon intense.
Cette traversée de l’enfance, de l’adolescence puis de l’entrée à l’âge adulte est jalonnée de transitions majeures, dont une des plus saillantes est celle qui s’opère à la puberté avec le corps et qui peut affecter grandement ce que l’on appelle la confiance corporelle.
Le corps s’allonge et s’épanouit, les traits du visage dessinent l’ébauche d’une personnalité, bref une véritable métamorphose s’opère dont les jeunes filles sont les témoins plus ou moins consentants et pendant laquelle, la mauvaise graine du doute de soi peut germer et abimer ce précieux potentiel.
En effet, cette métamorphose préfigure une mutation et un développement identitaire qui, chez les filles, restent très liés à la représentation corporelle qu’elles se font de leurs corps. Une grande préoccupation, source de doutes sur leur valeur globale, s’immisce bien souvent dans cette relation au corps.
En 2016, Dove a lancé une étude sur la confiance corporelle et en révèle les effets les plus marquants, dont voici les chiffres:
- L’estime en soi des filles a plus à voir avec la façon qu’elles ont de percevoir les formes de leur corps, plutôt qu’avec leur poids réel.
- 8 filles sur 10 évitent de participer à des activités quotidiennes importantes telles que sortir avec des amis ou des proches.
- 7 filles sur 10 n’affirment pas leur propre opinion ou ne sont pas prêtes à appuyer leurs décisions.
- Au lycée, 44% de filles et 15% de garçons essaient de perdre du poids (Council on alcoholism and drug abuse, n.d)
Il est donc essentiel de rappeler qu’au-delà des transformations purement biologiques, le corps se déploie dans un environnement social et culturel.
Dans un monde saturé d’images, les réseaux sociaux et les médias édictent les règles à suivre. Il apparaît donc évident que déjà très jeunes, les filles entrent en conflit avec leur corps, afin de le soumettre aux critères normés. Le corps doit être discipliné. Ces mêmes réseaux sociaux incitent également à la comparaison et multiplient les effets pervers qui font s’effondrer la confiance en soi.
Comment se sentir bien dans ses baskets, ne pas souffrir de sentiment d’insuffisance (« je ne suis pas « assez »), être à la hauteur, dès lors que l’on se voit dicter la façon dont le corps doit se comporter et ce à quoi il doit ressembler. La confiance vis-à-vis de son apparence n’en est que plus atteinte. Mais elle ne s’arrête pas là et contamine le reste de la confiance en soi car elle a tendance, comme le révèle l’étude Dove, à inhiber le désir de s’affirmer, de monter au créneau, d’oser lever le doigt, d’interrompre et engourdit la prise de risque en général. Prendre sa place commence par ancrer son corps dans l’espace en le respectant et en le célébrant.
Touchant les jeunes filles au moment de la puberté, ce phénomène peut perdurer à l’âge adulte et réfréner plus tard l’élan nécessaire lors d’un entretien d’embauche par exemple, ou bien les inciter à refuser un dîner avec un garçon qui leur plaît, ou encore les freiner dans le choix d’une voie professionnelle qui les séduit.
On ne peut ignorer les médias, alors que faire pour redevenir son maitre de son image et oser rencontrer son potentiel et conquérir sa place?
- Le rôle clé des Valeurs : Essayez de revenir à vos valeurs fondamentales, exprimez-les à travers vos choix. Vous passerez ainsi d’une validation externe à une validation interne, en vous faisant confiance.
- Sachez vous servir des réseaux sociaux : n’utilisez pas FB ou Instagram de façon passive mais au contraire, véhiculez tout ce qui en est en alignement avec vous-même. Votre moi idéal peut alors représenter votre authenticité au lieu d’être un moi idéal.
- Les critères de beauté relayés par les réseaux sociaux et les médias ne vont pas disparaître demain et vous en avez certainement intériorisé plus d’un. Plutôt que de les faire disparaître, essayer de modifier la relation que vous avez avec ces croyances intériorisées en vous questionnant : « d’où vient cette envie de… » ; « cette façon de vouloir ressembler à une telle » ?
- Travaillez votre posture : respirez profondément avant un rendez-vous, ne croisez pas les bras, restez ouverte, n’interrompez pas votre interlocuteur, faites des pauses dans votre discours, envoyez un mail le jour-même pour remercier celui/celle qui vous a reçue. Plutôt que de vous focaliser uniquement sur l’impression que vous allez laisser, rencontrez l’autre sans a priori, allez-y en essayant d’établir une connexion humaine
- N’hésitez pas à dépoussiérer votre garde-robe en ne gardant que les vêtements dans lesquels vous vous sentez bien, où votre corps est à l’aise et en insistant sur ce que vous préférez chez vous et sur votre singularité.
- Répondez à une offre même si vous ne rencontrez pas tous les critères exigés, laissez la décision au RH.
- Osez rêver : lorsque vous étiez petite, vous ne vous interdisiez rien. Remettez-vous dans cet état d’esprit audacieux.
- Commencez à croire en vous avant que les autres croient en vous. Pour ce faire, établissez une liste de vos compétences, de vos réussites académiques et extra-scolaires (sport, association, …). N’hésitez pas à la relire pour vous donner de la force et de la confiance et à en faire part à un éventuel employeur : ce n’est pas de l’arrogance, c’est de la confiance en soi !
- Avancez dès aujourd’hui sur le chemin de l’acceptation, en étant indulgente avec votre corps, comme vous le seriez vis-à-vis d’une amie.
- Faites du sport, n’importe quel sport, non pas pour perdre du poids mais pour augmenter votre niveau d’énergie et de force. Agissez comme une badass, sans trop vous soucier d’être gentille et parfaite !
Enfin, il vous faut à tout prix regarder le film I feel pretty, sorti en 2018 et vous prendre pour son héroïne, Amy Schumer. Pulpeuse, complexée, sa confiance en elle est au plus bas quand elle fait le vœu de devenir belle. Victime d’un accident, elle se réveille avec la certitude que son vœu a été exaucé. Sa confiance en elle va entraîner la confiance de tous ceux qui l’entourent. La morale ? On ne peut pas contrôler le regard des autres mais on peut changer le regard qu’on porte sur soi !