By Christine SALMON
Peu de gens savent qu’en France le Tribunal de Commerce n’est pas une juridiction « comme les autres » dans la mesure où les juges qui le composent ne sont pas des magistrats professionnels mais des commerçants élus par leurs pairs.
Cela devrait suffire à les rassurer et pourtant ce n’est pas le cas, loin de la !
Il faut admettre que cette institution créée à Lyon en 1419 était chargée à sa constitution de régler les litiges entre marchands, puis à partir de 1715 de gérer les faillites et les banqueroutes (non frauduleuses).
Même si cette deuxième branche de leur activité ne représente que 20% des affaires traitées c’est sans conteste la plus connue du grand public.
C’est aussi celle qui a connu la plus grande évolution. De son origine jusqu’à la grande réforme de 1967, la faillite était considérée comme infamante, notamment au Moyen Age où le « failli » se voyait imposer le port d’un bonnet vert et sa mise aux bans de la Société.
Codifiée par Colbert en 1673 puis par le Code de Commerce de 1807, elle a très longtemps marquée sa volonté de privilégier le désintéressement des créanciers et l’abandon total de celui qui avait osé échouer dans son entreprise commerciale.
A la fin du XXème siècle on a assisté à la disparition de pans entiers de l’économie (ex : la métallurgie, les charbonnages ….) et pris conscience qu’une faillite n’était pas obligatoirement la conséquence de la mauvaise gestion de son dirigeant.
On a également compris qu’une entreprise était intégrée dans un tissu économique et que sa disparition pouvait créer des dommages collatéraux (effet domino: disparition des sous-traitants, chômage etc..).
Les mentalités ont changé et aujourd’hui le désintéressement des créanciers est passé au second plan derrière la volonté d’organiser avant tout la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, de sauver ses emplois et de protéger ses co-contractants des conséquences d’une fermeture.
Les lois du 1er mars 1984 et de janvier 1985 ont amorcé une refonte totale du système organisant le droit autour de la société et non de ses créanciers.
La loi de juin 1994 a renforcé la prévention, celle de juillet 2005 a apporté de nouveaux outils : la Sauvegarde (connue du public grâce à des dossiers médiatiques comme Eurotunnel ou le journal Libération) ainsi que la Conciliation.
Ces nouvelles procédures quand elles sont opportunément utilisées permettent de sauver bon nombre d’entreprises.
Une nouvelle réforme intervenue en 2014 a consacré la volonté du législateur de venir en aide aux entreprises en difficulté et à leurs dirigeants grâce à la sauvegarde accélérée et au rétablissement professionnel.
La terminologie ayant son importance on ne parle d’ailleurs plus depuis longtemps de « droit de la faillite » mais de « droit des entreprises en difficulté ».
Et pourtant malgré toutes ces avancées il reste une énorme défiance vis-à-vis du Tribunal.
Pour une fois la loi a été en avance sur l’opinion et se montre bien plus bienveillante que ce que croit encore les dirigeants d’entreprise.
Le Tribunal, peut-être à cause de son nom souvent synonyme de répression, n’a toujours pas réussi à transformer son image et à apparaitre aux yeux du dirigeant en difficulté, et souvent de l’opinion publique toute entière, non pas comme un fossoyeur mais bien comme un recours.