by Sophie HENRY
Sophie Henry enseigne et assure la coordination pédagogique des formations aux MARC à l’ESCP Europe, Sciences-Po Paris, l’EDHEC, HEC, l’Université de Versailles Saint Quentin, la Faculté de droit de Pau, et l’Ecole de médiation du Barreau de Paris.
« Les entreprises se créent pour gagner des parts de marché, pas des procès judiciaires ! » Que faire quand naît un contentieux avec un client, un partenaire commercial ?
L’entreprise a plusieurs options :
– soit recourir au juge mais le temps économique et le temps judiciaire ne répondent pas aux mêmes exigences et aux mêmes contraintes et l’entreprise ne peut pas attendre une décision dont les délais peuvent dépasser une voire plusieurs années de procédure…
– soit recourir à des solutions alternatives comme la médiation. Ce processus, encore trop méconnu des entreprises, a pour objet de parvenir à un accord amiable entre les parties, grâce à l’intervention d’un tiers qualifié, neutre et impartial. La médiation permet aux parties de procéder à l’examen et à la discussion de leurs intérêts respectifs et de favoriser une solution librement choisie.
Comment recourir à la médiation ?
Les entreprises peuvent décider d’elles-mêmes de mettre en place une médiation, soit à la naissance du litige, soit en amont en insérant une clause de médiation dans un contrat qui prévoit la désignation d’un médiateur, il s’agit alors d’une médiation conventionnelle. Le juge, alors même que les parties ont mis en œuvre une procédure judiciaire, peut également proposer aux parties, avec leur accord préalable, de recourir à la médiation et tenter de trouver une solution entre elles avec l’aide d’un médiateur, il s’agit de la médiation judiciaire. Les parties peuvent confier leur médiation directement à une personne physique, soit choisir une institution de médiation, comme le CMAP, qui les guidera dans le choix du médiateur le plus adapté à leur litige et offrira un cadre sécurisé pour le suivi du processus.
Les nombreux atouts de la médiation :
1) un processus volontaire : liberté des parties de participer à la médiation et de la quitter à tout moment
2) un gain de temps : c’est un processus rapide Je vais vous donner un exemple très concret : une société anglaise et une société coréenne étaient en litige à propos de l’édition d’un jeu vidéo et des droits de licence dont l’enjeu dépassait de 2 500 000 euros et avaient engagé de multiples procédures devant différentes juridictions. Conscientes de la longueur et de l’aléa de ces procédures, elles ont mis en œuvre une médiation et ont trouvé une solution à leur litige en 2 jours ! La médiation s’est tenue à Paris, les dirigeants des deux sociétés s’étaient bien entendu déplacés pour la réunion.
3) une confidentialité des échanges et une maîtrise du différend par les entreprises, ce n’est pas le juge qui décide mais les parties qui vont choisir la solution à leur conflit.
4) un processus créatif : la médiation ouvre le champ des possibles et l’accord, lorsqu’il est obtenu, dépasse très souvent le simple objet du litige initial ; je peux vous citer à titre d’illustration, un litige portant sur le non-paiement d’une facture entre une société de leasing et une agence de publicité où la solution a été trouvée en médiation : l’agence a proposé à la société de leasing, en dédommagement de sa facture qu’elle ne pouvait honorer intégralement, la conception d’ une campagne de communication. Les conditions de cet accord ont bien évidemment été validées dans le cadre d’un protocole rédigé par les avocats des deux sociétés.
– valorisation de la dimension psychologique du conflit : Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette dimension est très importante dans les conflits rencontrés par les entreprises. La plupart des litiges naissent d’un défaut de communication. Je pense notamment à un accord qui a été trouvé entre deux sociétés de renommée internationale dans le domaine de la construction : « le médiateur a su faire ressortir les origines du conflit : l’un des dirigeants reprochant à l’autre de ne pas avoir répondu à ses multiples demandes dans le cadre de l’exécution d’un chantier difficile : Il avait assimilé ce comportement à du mépris à son égard et avait pris alors des mesures d’astreintes très contraignantes à l’encontre de son cocontractant, mettant en péril la suite du chantier et la pérennité de l’entreprise. En réalité, le dirigeant d’entreprise « silencieux » traversait une très grave maladie mais il n’en avait informé personne et mettait toutes ses forces dans sa lutte pour la guérison… La communication est donc clé dans l’entreprise. Une fois cette information connue, les deux dirigeants ont pu travailler sereinement à la mise en œuvre d’un accord. La mise en lumière d’une telle révélation n’aurait jamais pu être appréhendée dans le cadre d’une procédure judiciaire : le juge n’en a ni le temps, ni la mission : il se doit de trancher en droit au regard des clauses d’un contrat dont une partie demande l’exécution.
– Une pérennisation des relations avec ses partenaires commerciaux et ses clients : la médiation permet de préserver, voire de renouer la relation, alors qu’une décision judiciaire entraine une rupture définitive.
– la médiation n’empêche pas d’agir en justice : les droits des parties sont préservés
Au regard de tous ces avantages, quoi de plus satisfaisant pour les femmes entrepreneurs que de voir leurs litiges résolus autrement que dans un climat de guerre judiciaire ! La médiation suppose préalablement une véritable prise de conscience d’un nécessaire changement des mentalités, encore aujourd’hui marquées par la culture du conflit et je suis sûre que les femmes ont un rôle fondamental à jouer dans cette évolution.
Le réseau de wimadame a souhaité recommander le CMAP (centre de médiation et d’arbitrage) créé en 1995 par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, sous la forme d’une association de la loi de 1901. Aujourd’hui leader en France le CMAP est l’un des principaux centres européens de gestion et de résolution des conflits des entreprises.
Quelle est la durée d’une médiation ? Au regard de nos statistiques CMAP, la durée moyenne d’une médiation est de l’ordre de 10 à 15 heures,
Combien coûte une médiation ? Le CMAP propose un coût horaire de la médiation de 300 € / heure pour les médiations nationales et 400 € / heure pour les médiations internationales
Soit pour 15 heures, un coût moyen de 2500 € pour chaque entreprise (les frais étant partagés entre les parties). Il existe aussi des forfaits pour les petits litiges.
Qui sont les médiateurs ? Nos médiateurs sont des hommes et des femmes qui ont au moins 10 ans d’expérience professionnelle, formés aux techniques de médiation (écoute active, négociation raisonnée, communication). Ce sont soit des dirigeants d’entreprise de tous secteurs, des experts (financiers et techniques) des avocats, des directeurs juridiques, autant de profils pour résoudre toutes les typologies de litiges auxquels sont confrontés quotidiennement les entreprises.