Tribune d'expression

Chocolats Benoit

by Anne Françoise BENOIT

Mon père m’a appris les premiers gestes.

« Longtemps dominé par les hommes, le milieu du chocolat s’ouvre petit à petit aux femmes et je crois pouvoir dire que je fais partie de celles qui furent parmi les premières à compter dans la profession. Il n’empêche, la langue française ne nous facilite pas la tâche en donnant comme pendant féminin au chocolatier, le nom de chocolatière. Sondez les feuilles des dictionnaires ou questionnez les passants lors d’un micro-trottoir, vous verrez : Une chocolatière c’est d’abord un pot à chocolat. Alors souvent, je préfère dire que je suis Cheffe, cheffe d’entreprise et cheffe chocolatier. D’ailleurs ce terme colle plus près à la réalité de ma vie. Je me lève chocolatière et je me couche entrepreneure. »

Le matin, en temps normal d’activité, je me lève vers 5h45. Une demi-heure plus tard, devant mon petit déjeuner,  je commence par établir une liste des priorités à faire au laboratoire. Je profite de ce moment de la journée, calme, pour lire mes courriels, regarder les réseaux sociaux et twitter. Mais, il est déjà bientôt 7 heures. Vite, j’attrape mon manteau, mon écharpe orange (c’est ma couleur fétiche) et hop en voiture, direction l’atelier.

Là, ma journée commence véritablement. J’ai troqué mes vêtements de ville pour une veste blanche, une toque, un tablier et des chaussures de sécurité. Me voilà, chocolatière. Je fais le tour du laboratoire, vérifie les machines, contrôle les températures et les produits fabriqués la veille. A l’heure où j’arrive je suis encore seule, alors je mets la radio à tue-tête, je chante et je me mets en rythme. Cette première heure je la consacre à mon art. Je goûte ma dernière ganache à la framboise, j’invente une nouvelle recette de praliné ou je mets en œuvre une pièce délicate à monter. Quand vers 8h mon équipe arrive, le travail de cheffe de production prend le dessus. Comme dans une cuisine, chacun doit prendre son poste, qui à l’enrobeuse, qui à la cuisson. La fabrication du  chocolat demande de la rigueur, de la patience et aussi une bonne dose de sensitif. Il y a de l’alchimie dans le chocolat. C’est sans doute pour ça que le chocolat fait tellement rêver et procure tant de bonheur.

« En tout cas moi je ne m’en lasse jamais. Pourtant, je n’ai pas toujours voulu travailler le chocolat et surtout je ne me voyais pas être artisan chocolatier comme mon père. J’ai d’abord étudié les sciences économiques et les ressources humaines et quand j’ai racheté l’entreprise familiale je me positionnais plutôt comme directrice commerciale. »C’était bien mal connaître le pouvoir magique du chocolat. Mon père m’a appris les premiers gestes, m’a transmis ses recettes et puis je suis allée me perfectionner à Paris chez Lenôtre et Richart.En 2003, j’ai reçu l’Award du jeune talent au Salon du Chocolat de Paris des mains de Robert Linxe, le plus grand chocolatier de tous les temps. Ce fut une première reconnaissance par la profession et un tremplin pour ne plus seulement être la « fille de » mais chocolatière à part entière. « Le chocolat est ma sève et il a permis de nourrir mon autre passion : l’entrepreneuriat Secondée par ma sœur, je consacre mes après-midis  à gérer les magasins, les fournisseurs, les clients et l’export. Je suis une hyper active, une sorte d’électron libre. Je ne peux pas rester en place et j’ai mille idées en tête. Tenez, mon dernier hobby : les objets connectés et la création de la première boite de chocolat connectée pour la spécialité que j’ai créée, le Caramandes. . Ce métier est évidemment très prenant et demande de bonnes conditions physiques. Il n’y a pas beaucoup de place pour la paresse. Alors à défaut partir l’été en vacances,  je prends le temps de voyager avec le chocolat pour  découvrir les terres lointaines vers lesquelles il m’emmène : le Japon, le Brésil, le Pérou, La Côte d’Ivoire.

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Anne Françoise Benoit