Réflexions, conseils & business Tribune d'expression

Chère Princesse

by Isabelle DEPREZ

 Chère princesse Leia,
Je ne voudrais pas être présomptueuse en vous appelant Leia tout court


C’est ainsi que l’actrice Carrie Fisher, récemment disparue, débutait il y a trois ans sa longue lettre à son alter ego la mythique princesse Leia, l’aventurière de la saga Star Wars.
Finalement, cette lettre interroge sur, au fond, ce que l’on retiendra du talent de l’actrice. Car du talent, Carrie Fisher en avait, comme le témoigne son introspection, sensible et ironique, décryptant le quotidien des héros de la vraie vie, la vôtre et la sienne se confrontant aux aléas du succès et de l’âge.

L’actrice, par son acte, nous accule à faire un choix. Allons-nous rester spectateur, admirant la poupée mythique ou franchirons-nous le seuil pour explorer enfin la diversité des parcours talentueux qui nous inspirent, nous saisir de celui qui nous fera grandir et devenir acteur de notre propre existence ?

L’exercice n’est bien sûr pas si simple car dès qu’il s’agit de parler de talent, la barre semble haute ou plus exactement mise à des niveaux différents selon la culture, les époques, l’âge et le sexe.
Est-ce parce qu’à l’origine le terme renvoie dans l’inconscient à une unité de poids et de monnaie – on parle d’un talent d’or ou d’argent, donc d’une richesse…énorme – qu’il parait si inaccessible ?

N’aurait-il de valeur que s’il est mérité donc s’il y a labeur (la parabole des talents) ?

Ou au contraire consisterait-il à « faire aisément ce qui est difficile aux autres », comme l’affirme l’écrivain et philosophe Henri-Frédéric Amiel ?

N’est-ce pas plutôt parce qu’il se mesure à l’aune de sa rareté face à un besoin bien précis, à l’instant T, dixit les économistes de marché – la société française et les entreprises érigeant la rationalité comme unique idéal, alors que ses limites ont été largement démontrées ?

Serait-il l’apanage de la jeunesse ou au contraire de la vieillesse/sagesse, ou relié exclusivement au masculin ?

Ou alors le talent n’existe-t-il que parce qu’il porte le poids du désir ? Celui de le posséder parce qu’il est glorifié par une culture, une époque, une société, un groupe ? Naîtrait-il du mimétisme des désirs qui convergent vers lui ? Devrait-il être forcément synonyme de « succès » à en croire les stars de téléréalité ou des animateurs dont la provocation fait l’audience ?…

Ces questionnements peuvent nous égarer et parfois nous empêcher de trouver notre chemin personnel. Mais ce qu’écrit Carrie Fisher avec tant de clairvoyance et de sensibilité nous ramène à une vérité, que de toute évidence, elle n’a pas su voir ou entendre. Cette actrice douée aurait pu incarner bien d’autres personnages, et pourtant…. Que s’est-il donc passé pour elle ? Est-elle restée enfermée dans un personnage mythique ? Dans la difficulté propre à une actrice prenant de l’âge ? Probablement un peu des deux.

Si bien, qu’après cette lettre et sa disparition récente, comment rester émerveillé par la Princesse Leia ? J’allais ajouter « émerveillé en conscience », car c’est là que tout se joue.

Accorder de la valeur à l’actrice Carrie, c’est sortir de la saga et revenir à la Vie telle qu’elle se joue. 

Il est de notre responsabilité de prendre tout d’abord acte de notre besoin fondamental et archaïque de merveilleuxde belles histoires inspirantes, afin de renforcer le désir de trouver sa propre voie, sans en être dupe. Le cerveau fonctionne ainsi depuis la nuit des temps. Archétypes, héros et dragons peuplent notre inconscient. Ils sont sources d’inspiration et d’énergie face aux aléas de la vie. Et la saga Star Wars est un bel exemple de voyage initiatique dont l’objectif est de nous transmettre des messages. Son héroïne la princesse Leia décharge son énergie dans notre être, nous mobilise face aux forces sombres qui pourraient envahir notre existence. « Que la force soit avec vous » nous répète-t-elle de rebondissements en aventures. Aimer Leia pour ce qu’elle est, c’est nous munir d’un potentiel accessible à tout moment,  d’une force d’action latente. Ainsi, elle nous invite, tout comme le personnage principal Luke Skywalker, à commencer notre périple.

Et vous, comment procéder afin d’identifier vos propres talents ? Quelques pistes pour les découvrir (*)

  • Précocité : le talent se manifeste très tôt
  • Permanence : il cherche à s’exprimer régulièrement, de toutes les façons
  • Plaisir qui découle de son utilisation
  • Facilité d’apprentissage et d’utilisation
  • Efficacité : vous faites bien du premier coup ou presque
  • Absence de fatigue, au contraire
  • Auto-motivation : les échecs ne vous rebutent pas, bien au contraire, ils vous stimulent
  • Inconscience pour vous : cela vous parait évident, simple et facile
  • Révélation à travers la rencontre d’un « modèle » (souvent mais pas toujours)

Une fois identifiés, osez vos talents.
Et c’est en soit une vraie difficulté, tout particulièrement s’ils ne sont pas dans l’air du temps.
Osez être vous-même, peu importe la culture, l’âge ou le sexe, soyez intimement convaincu que vous êtes votre propre baromètre d’appréciation. Car user de vos talents vous convie à de grands moments de plaisir. Les psychologues nomment ces périodes d’intense satisfaction : le flow.
Peut-être vous faudra-t-il cependant vous partager temporairement entre ce qui est source de succès social ou économique et ce qui est porteur de flow ou décider de différer tout en gardant le cap de votre vie. Mais la patience et la persévérance vous permettront sûrement d’arriver à vos fins.

Ne vous laissez pas enfermer dans un rôle à l’instar de Leia.
Carrie est morte de Leia ; sa lettre est sans équivoque.
Soyez vigilant. Une plante dont le sol n’est pas nourri, meurt. Il en va de même de votre source vitale. Cela se manifeste tout d’abord par un mal-être avant qu’il ne se transforme en crise. C’est un moment crucial pour se poser à nouveau les bonnes questions. Ne pas affronter l’obstacle serait vous condamner à l’immobilisme et à une grande période de glaciation.

Revisitez régulièrement vos aspirations, car vos talents en cachent d’autres. 
Vos aspirations évoluent selon votre maturité. Ce à quoi vous preniez plaisir à 20 ans pourrait bien devenir un passe-temps à moindre saveur à 40. Votre talent n’a pas disparu, mais le flow initial est comme cristallisé, il fait partie intégrante de votre être s’il a été mis en œuvre. C’est alors que, parfois, surgit un nouveau courant puissant, comme un désir d’accomplissement vers quelque chose de neuf, qui bouscule l’ordre préexistant. C’est un appel à franchir un palier pour aller plus loin encore et explorer l’inconnu. Si vous ressentez cet appel, surtout allez-y ! Foncez !

C’est ainsi que la boucle pourrait bien être bouclée, car comme l’énonce le poète Ts Eliot  « Nous ne devons cesser d’explorer, et la fin de ces explorations viendra lorsque nous arriverons là où nous avions commencé et que nous découvrirons cet endroit pour la première fois ».
Vous qui me lisez, je vous souhaite sincèrement en ce début d’année 2017 de vous lancer dans la grande aventure d’être soi. Et pour faire un premier pas concret, je vous encourage vivement à inscrire quelque part chez vous ou au bureau, en évidence, cette citation de Jean-Jacques Rousseau « Ce qui est important dans la vie, ce n’est pas d’être riche et d’être glorieux, c’est d’être fidèle à soi-même, de vivre selon une certaine idée qu’on a. »

Isabelle DEPREZ

Executive Coach et professeur en développement des talents.
Auteureconférencière, Présidente de l’association Past
Isabelle co-pilote l’événement du 24/03/2017 pour une transition progressive.