By Génération Y
Cette nuit je n’ai pas dormi. Pleine Lune. Plein la tête. Peut-être ai-je rêvé éveillée ?
#Génération Bataclan au cœur, mais liberté chérie te voilà. Je ne pensais pas que tu serais aussi perturbante.
Où suis-je ? Où est mon portable pro ? Dans quelle ville dois-je aller ? Quelle est ma journée ? Que dois-je faire ? Ma to do liste googlisée (la to do écrite c’est has been) est elle bien remplie et surtout, utilement ? Suis-je dans la bonne direction ? Où est mon carnet ? Est ce que je vais finir SDF ?
J’ai signé ma rupture conventionnelle la semaine dernière. A force de dire intérieurement, puis à ma famille, puis à mes amis, puis à un cercle plus large, puis en me maquillant le matin : « je ne veux plus être salariée », j’ai fini par le dire à mon patron et à le faire. Ce que tu dis, tu le deviens. Le seul problème, c’est que j’ai tout plaqué sans trop avoir d’idée. Juste l’envie d’entreprendre, ma vie.
Angoisse, excitante certes, mais angoisse tout de même lorsqu’il n’est plus question de lutter contre, mais d’avancer pour…
J’ai vécu une aventure professionnelle exceptionnelle, dans tous les sens du terme, mais il y a un temps pour tout. A une époque, il y a à peine dix ans, nous la génération-y-branded, nous étions testés. Il fallait être celui ou celle qui résisterait le plus longtemps pour parvenir au graal : « faire sa place dans les plus hautes sphères d’une entreprise ». Désormais, au niveau macro économique, il est devenu suspect, révélateur d’un manque d’ambition de vouloir rester plus de trois ans au sein de la même structure, et ce malgré la possibilité d’ascension fulgurante à portée de clic, phénomène hallucinant, miroir d’un monde qui se termine et de modèles économiques qui s’effondrent. Et pas seulement pour les y.
Niveau micro économique, ça tombe à pic ! La tendance colle à mon instinct de survie. Car il a bien été question de survie l’instant précis où la goutte d’eau a fait déborder le vase. Quelle goutte, quel vase, aucune idée. Juste cet espace temps durant lequel, le cœur, la tête et les tripes, poussés par une force commune mais inconnue, décident tous ensemble d’appuyer sur le bouton « pause » pour faire d’abord, un arrêt sur image de ce film dont il est difficile de savoir qui en est le réalisateur ou la réalisatrice, puis, un retour en arrière et de nouveau, un arrêt sur image.
Est ce que cette personne carriériste a bien vécu ces choses humiliantes, ces blessures, ces petites, puis ces grandes trahisons ? Est ce qu’il a réellement été question de trahisons ? Qui suis-je pour me permettre de croire à cette lubie ? Est ce que je suis cette personne ? Et surtout, quelle personne ai-je envie d’être après l’ère du devoir être ?
Côté cour, mon joli métier à tisser m’a fait rêver et continue de faire rêver, le ou la prochain(e) moi, celle ou celui qui prendra ma place. La jolie place au soleil vert qui allie savamment voyages, gros salaire, hautes responsabilités, management, stratégie, place en Comex tout plein de masculin, les privilèges accordés, les rencontres, les invitations, l’excitation du M&A, le rythme, les avalanche de mails, le google agenda multicolore, les sollicitations de chasseurs de têtes et de structures concurrentes.
Et un jour, un déclic. Virage coté jardin. Tête, cœur, tripes prennent le métier à tisser, le retournent avec violence, comme pour arrêter un homme hors de contrôle armé, prêt à tirer, la bave aux lèvres, et là, le dérobé se dévoile et devient une priorité. Il n’est pas joli, il n’est pas harmonieux, ses fils emmêlés ressemblent à ceux d’une bombe à retardement. Alors, on prend conscience qu’il est grand, le temps.
Début des nuits blanches de veille quasi grotesque version « sky is the limit ! », des heures entières à voir ou revoir tout le monde, à lire tout et rien, à parcourir idiomatiquement instagram, facebook, pinterest, internet, ecommerce, revues, livres, blogs, journaux, témoignages, histoires. Tout y passe. L’esprit devient un scanner. Tout devient potentialité. C’est la grande ouverture de chakras. Le passe temps, comme manière de dominer, ce temps. Il m’appartient, enfin. Reste à savoir ce que je dois en faire. Non, déformation structurelle : ce que j’ai envie d’en faire. Il faut une idée. Tout remonte à la surface. C’est le grand bazar. Un doux bazar. A quand l’heure du choix. Faut-il faire primer la peur de devenir pauvre ou l’envie de ne pas perdre sa vie à la gagner ?
Mon ancien rythme effréné reste mais je le laisse s’évaporer en pluie d’étoiles choisies, mesurées, désirées, ignorées découvertes. Constat :
_ Je suis atteinte du syndrome y.
_ Que disent les médecins ?
_ Rassurez vous, on vit très bien avec et même longtemps. Il faut juste parvenir à retrouver un équilibre de vie.
Ah… L’équilibre de vie. La bonne blague.
J’ai l’impression d’être en train d’observer un morceau de pate à modeler de couleur étrange. J’ignore la provenance, je ne sais pas quoi en faire et je ne parviens pas ni à expliquer sa couleur ni sa forme. Un jour je la trouve belle, le lendemain terrifiante, le surlendemain différente.
Ce petit bout bizarre résulte de longues heures de malaxation, coincées entre oisiveté et action.
Pourtant, à l’origine, le set de pates à modeler excite les papilles. C’est un cadeau ! On saute dessus ! Sorties avec précipitation de leurs petits gobelets en plastique jaune, les textures sentent bon, elles sont fraîches, fermes mais malléables, elles sont belles, leurs couleurs vives dilatent la pupille.
Parce que le nombre de formes possibles, à portée de mains, est infini, il n’y a rien de plus grisant qu’un set de pates à modeler. Tête baissée, on s’y plonge, sans trop se poser de questions.
Au départ, j’ai le sentiment que l’on dispose tous de son petit package Play Doh. Ce n’est écrit nul part sur la boite, mais dedans, il y a : culture, chance, malchance, éducation, héritage positif ou négatif, infini, blocage, névrose, peur, ambition(s), projections souhaitées, amour, passion, cœur, projections imposées, fantasmes, rêves d’immensité, petits rêves, grands rêves, bonheurs, plaisirs, claques, vie, mort, illusions, désillusions, espoir.
Ensuite, il y a ce que l’on décide de faire de ce mélange. De mémoire, je crois me souvenir que pour la faire évoluer vers d’autres couleurs, tailles, textures, capacités de conservation, il faut non plus seulement malaxer la matière sans cesse, il faut avoir un but précis, faire primer le sens à l’action par le dosage, la force de conviction et la ténacité. Le test reprend alors, mais l’examinateur est devenu un ou une ami(e), puisqu’il s’agit de soi. Il a fait du cinéma sa pate à modeler, il est canadien, il est à fleur de peau, il est inspiré et inspirant, il fait couler des larmes par un savant dosage de ses couleurs et de sa matière. Hommage à un génie de notre temps, Xavier Dolan : « Tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais ».
Génération Y
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