Edito Tribune d'expression

Edito – septembre 2018

Texte rédigé par Patrick Arnoux, rédacteur en chef du Nouvel économiste

Bien chère Communauté,

Pour cette rentrée et pour une fois, l’édito de wimadame donne la parole à Patrick Arnoux, rédacteur en chef du Nouvel économiste. Internet, les affaires, les réseaux sociaux, les journalistes en 2018 n’ont pas forcément bonne presse. Ce métier séduit-il encore nos enfants? Comment être un journaliste de qualité? Comment garantir une information
sans faille? Faut-il réglementer le métier? Avec l’arrivée d’internet, les journalistes ne travaillent ils pas plus dans l’urgence? Faut-il s’inquiéter quant à l’avenir de la presse papier?
La parole à Patrick …. merci à lui.
Métier, journaliste, 

Plus décrié que jamais mais pourtant jamais si indispensable

Depuis Balzac – “Pour le journaliste, tout ce qui est probable est vrai.” – la confiance de l’opinion pour ces professionnels de la plume comme du micro est singulièrement en cause. Donc leur crédibilité.

Or si l’on en croit le dernier sondage « La Croix Kantar » révélant que 67% des Français estiment que « les journalistes ne sont pas indépendant des pressions des partis politique et du pouvoir. » cette défiance atteint actuellement des sommets. A ces anciens griefs – bien trop de connivence et de déférence envers les puissants, économiques ou politiques – s’ajoute un procès pour carence de compétences permettant d’analyser la complexité de l’actualité.

Plus grave, une foisonnante concurrence est venu depuis peu leur disputer le traitement et la diffusion des informations. Les réseaux sociaux transforment tous leurs utilisateurs sinon en « journalistes » du moins en émetteur d’infos et d’opinion. Avec un péril majeur : toutes les opinions se valent, celle de l’expert autant que celle d’un psychopathe aigri. Ces vastes amplificateurs du café du commerce planétaire favorisent la diffusion à foison de « fake news » tandis que le buzz joue un rôle majeur dans l’opinion.

Désinformée, manipulée si des professionnels rigoureux, formés à des pratiques de vérifications, évaluations, mise en perspectives ne viennent pas contrecarrer cette tendance invasive. Bref, jamais tant décriés, les journalistes n’ont jamais pourtant été si indispensables. En effet, l’information est une matière brute de plus en plus abondante, foisonnante. Y démêler le bon grain de l’ivraie, le faux du vrai réclame du métier. De solides compétences pour trier, hiérarchiser, recouper, valider puis les présenter enfin de façon agréables.  Il s’agit bien de distinguer les faits des commentaires, les idées partisanes des analyses subjectives. Et cela réclame un savoir-faire journalistique.

Paradoxe : ce métier est en crise, comme les groupes de presse qui recrutent au compte-goutte tandis que des écoles – plus d’une trentaine – mettent des centaines de jeunes journalistes sur le marché. Et les candidats sont toujours plus nombreux. Ont-ils la vocation ? Un bien grand mot que l’on pourrait traduire par « feu sacré », tant se métier nécessite un engagement, une motivation robuste, une passion à la mesure des défis actuels.

Or, nombre d’écoles de journalistes ne filtrent pas les fondamentaux indispensables pour réussir dans ce métier. Ces prérequis rarement affichés : une vaste curiosité, tonique, large et permanente, une culture générale non moins vaste afin de disposer des indispensable référentiels permettant d’évaluer la pertinence d’une info. L’ouverture mais plus encore l’indépendance d’esprit, permettant de ne pas succomber aux pressions, tentations et autres séductions des différents pouvoirs (politiques, économiques, lobbys etc.) relève davantage de la fermeté du caractère qu’un zèle affirmé pour les études livresques. En effet, un tempérament non influençable fait partie, aussi, de la boite à outil indispensable pour réussir dans ce métier. Toutes qualités, psychologiques, humaines qui ne dépendent pas du déroulé des études. Aussi brillantes fussent elles.

La puissance de travail est également un must, mais elle est le plus souvent dopé par l’intérêt du dit travail. Enfin Pierre Lazzareff, l’un des hommes de presse les plus puissant du siècle dernier avait coutume de dire que pour ’un journaliste ne pas avoir de chance est une faute professionnelle grave. Façon de faire comprendre que l’audace, la prise de risque hors des zones de confort s’imposent à ces professionnels. Bien évidemment le passage dans une école – 14 sont reconnues par la profession sur 34 – permettra de s’approprier les techniques et savoir- faire que le numérique a singulièrement sophistiqué. Mais, on l’aura compris là n’est pas l’essentiel si l’on ne possède pas les qualités humaines et psychologiques évoquées plus haut.