Tribune d'expression

Entrepreneuses et femmes dirigeantes, quel traitement médiatique

Martine Abbou
Ecrit par Martine Abbou

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Cette étude n’a pas vocation à pointer les bons et mauvais élèves. Il s’agit de mettre en évidence la dimension systémique de stéréotypes de genre identifiables et la récurrence avec laquelle ils circulent dans la sphère médiatique. Au-delà, cette étude vise à comprendre comment ces biais de traitement soutiennent des inégalités professionnelles femmes-hommes, particulièrement probantes parmi les dirigeants et postes à haute responsabilité. En mettant en lumière des usages sémantiques porteurs de biais, l’objectif est également d’aider à une meilleure prise de conscience de leur impact, tant au- près des journalistes que des lecteurs, et in fine de contribuer à modifier les comportements.

Avez vous remarqué? Plus de 30% des articles traitant des femmes entrepreneuses ou dirigeantes mentionnent le caractère exceptionnel de leur fonction. La femme dirigeante ou entrepreneuse reste traitée par les media comme une exception, voire comme une anormalité, 5 mots clés

  • Exceptionnelle ou anormale
  • L’action est réservée aux hommes
  • Les hommes sont des experts, les femmes sont des femmes
  • Eternelle jeunesse
  • Féminisme réel ou supposé?

Cinq thèmes récurrents du traitement médiatique des femmes dirigeantes ou entrepreneuses ont ainsi été identifiés dans ce travail de recherche et d’analyse :

Connaissez vous: Loi Copé-Zimmermann, loi pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel loi Moreno. D’importantes initiatives pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes ont vu le jour ces dernières années. Malgré cela, la parité peine encore à progresser : en témoignent notamment la faible féminisation des comité exécutif et comité de direction des entreprises dix ans après l’instauration de la première loi, ou les inégalités d’accès au financement de startups fondées par des femmes, qui ont à ce jour 30% de chances de moins que les hommes d’obtenir un financement. Une des raisons de cette trop lente évolution s’explique en partie par la persistance des stéréotypes de genre. Comme le montre cette étude, ces stéréotypes diluent les retombées positives attendues des lois et des réglementations destinées à faire progresser l’égalité professionnelle.

Menée par l’équipe recherche de l’agence Mots-Clés (Amina Belhadj/Raphaël Haddad), pour le compte de SISTA, collectif qui œuvre pour la réduction des inégalités de financement entre entrepreneuses et entrepreneurs, et Mirova Forward, le fonds de dotation de la société de gestion Mirova, référence de l’investissement à impact, cette étude inédite a permis d’analyser et de documenter les modalités d’expression des stéréotypes de genre concernant les femmes dirigeantes et entrepreneuses, en se focalisant sur un espace qui permet la mise en circulation et l’entretien de ces stéréotypes : la presse écrite nationale.

En conclusion:

Au terme de cette étude, on souligne les avancées tangibles du traitement médiatique réservé aux femmes dirigeantes. Aucune trace de misogynie ouverte et l’essentialisation de « la femme » et du « féminin » semble bien être passée de mode. Émerge un nouveau genre d’article : le portrait de l’entrepreneuse engagée. Néanmoins, l’étude montre que la femme dirigeante reste encore une anomalie dans un univers masculin,  les femmes dirigeantes sont présentées comme des femmes exceptionnelles, aux parcours d’excellence inatteignables, qui sont encore renvoyées à leur étrangeté et dont on souligne plus volontiers les traits de personnalité — l’exception fascine — que leur engagement professionnel. Les stéréotypes de genre circulent encore : prégnance des thématiques « soft », éternelle jeunesse professionnelle comme vestige du soupçon d’incompétence et autres traces de sexisme ordinaire au gré des articles. Les  stéréotypes favorisent-ils  le plafond de verre?  En 2020, seules 15,5 % des entreprises ont des femmes dans leurs comités exécutifs et 6 % de femmes à la tête de directions générales,  l’accès inégal au financement des startups ou encore les inégalités salariales aux postes de direction. Existe t’il un lien dans ce traitement médiatique des dynamiques puissantes? Que reste-t-il alors à faire pour faire évoluer les représentations ? Prendre conscience des stéréotypes est un premier jalon d’importance. Car les repérer et les comprendre, c’est déjà commencer à les déconstruire, car le stéréotype est une forme de figement du langage, plus proches de la réalité. Enfin, la nomination de gender editors au sein des rédactions peut être un troisième levier d’action pour faire progresser la parité.

Et vous qu’en pensez vous? vous pouvez contacter SISTA  pour obtenir l’étude et pour wimadame, nous faire part de vos expériences.