Réflexions, conseils & business Tribune d'expression

Pas de transformation digitale sans langage

Texte rédigé par Jeanne Bordeau

Jeanne nous a fait confiance dès le début ! Elle est membre fondateur et présente au sein de notre conseil de pilotage.
Merci pour ce remarquable billet. Belle lecture !

Les avancées technologiques ne doivent pas nous faire oublier que le langage et ses nuances demeurent le propre de l’homme.

Toutes les transformations passent par le langage

Quand un changement ou une rupture se produisent, il faut trouver un langage juste pour décrire et raconter cette nouvelle expérience. On le sait, le digital a modifié notre lien au langage. On n’a jamais autant écrit. On a pris l’habitude de coaguler les informations, de les connecter aux destinataires en y ajoutant de l’émotion et des preuves.
Mais, le langage de l’entreprise est-il à la hauteur des révolutions technologiques que nous vivons ?
J’ai toujours soutenu l’idée que le langage de l’entreprise doit prendre sa source dans le vécu des collaborateurs. Comment donc concilier cette réalité du terrain avec les nouveaux usages numériques ? Comment éviter une rupture entre ce que promeut la transformation digitale et ce que promettent entreprises et marques grâce à l’action des collaborateurs ?

De toutes façons les règles du jeu ont changé

Évidemment les règles du jeu ont changé, depuis l’entrée du digital.
Qui aurait pu imaginer, il y a encore cinq ans, que l’univers des mutuelles santé serait chamboulé par de nouveaux acteurs ? Qui aurait pu imaginer qu’un nouvel acteur du secteur comme Alan introduise l’idée de « couverture au top, ultra simple à utiliser » ? Même une matière aussi administrative devient complétement décomplexée, on peut « s’inscrire en 5 minutes » et l’on parle d’expérience avec « une application mobile » qui signe la fin des enveloppes puisque le transfert des documents se fait par photos interposées. C’est le côté « gaming » du digital, tout converge vers la simplicité. Un « gaming » qui se transforme en « learning game » et autres « serious games » dans le monde de l’entreprise.
On entre dans l’ère du « test and learn ». De l’expérience et de l’usage nait l’acculturation des collaborateurs au digital. Et les tutos eux éduquent les consommateurs.
Et comme l’illustre le succès de « chatter », le réseau social interne de Pernod Ricard, l’innovation est le fruit de cette intelligence collective stimulée en permanence.
De nouveaux écosystèmes se dessinent donc, pour le client comme pour le collaborateur. Ainsi, on peut, sans même sortir de chez soi, essayer les looks maquillages proposés par Sephora grâce à un bot judicieusement présent sur le Messenger de Facebook !
On joue, on est parfois récompensé, mais où est le point de rencontre entre transformation digitale et langage ?

Là où la convergence est plus qu’un mot

Il me semble que nous sommes arrivés à ce moment palpitant. Celui qui consiste à réaliser la véritable convergence entre langage et transformation digitale.
D’abord, rappelons une évidence parfois oubliée, même si l’on entend souvent dire « une image vaut mille mots », les images ne sont rien sans la précision de phrases qui les complètent et qui les contextualisent. Le langage donne forme à la pensée.  Ainsi, les mots et les images sont faits pour vivre ensemble et pas séparément. Instagram et YouTube sont des accélérateurs de créativité car il y a des scénarios, des textes, des légendes.
Alors, si le collaborateur a les moyens de parler un langage doué d’agilité grâce aux réseaux sociaux internes, grâce aux nouvelles façons de travailler et d’être en « co-création » avec les clients, comment maîtriser son écosystème digital et comment lui donner la cohérence sémantique que réclame l’immense chant des possibles ?

Retrouver les références communes

Puisque le client peut lui aussi faire entendre sa voix, quand il veut, il est urgent de ne pas être submergé par les écrits des collaborateurs qui s’entrechoquent avec les phrases des clients. Car, avant même de lancer de nouvelles applis ou autres fonctionnalités innovantes, la marque et l’entreprise devraient pouvoir répondre à des questions fondamentales : quelle histoire souhaitons-nous transmettre à nos clients ? Quelle valeur ajoutée spécifique voulons-nous incarner pour nous distinguer ? Et avec quelle tonalité ? Qu’est ce qui signe sémantiquement notre marque ?
A ce sujet, il est intéressant de méditer les mots de Julien Sylvain fondateur du fournisseur de matelas en ligne Tediber, il explique : « nous voulons toujours nous mettre dans la peau du consommateur ». Se mettre dans la peau du consommateur mais sans perdre son identité !
Cela implique de dresser les contours d’un langage spécifique à la marque pour ensuite pouvoir cibler le discours du consommateur, lui répondre, le toucher sans perdre son propre style.
Cela requiert d’analyser, d’organiser et de penser la démultiplication des contenus. Pas seulement comme un exercice de forme avec de belles images et d’attrayantes vidéos. Non ! Cette démultiplication doit puiser sa source dans un langage réfléchi et poussé où la créativité est aussi reliée à l’efficacité linguistique d’une langue qui se caractérise en lien avec les traits de personnalité de la marque et dont l’objectif est également d’obtenir une bonne compréhension des collaborateurs et des clients.

Voilà donc le point de convergence et de rencontre entre transformation digitale et langage : la plateforme de marque et l’identité de l’entreprise.
Si l’on ne sait pas dire ce que l’on est et ce que l’on fait, même la réalité virtuelle ne pourra suffire à fidéliser les clients sur le long terme !

Jeanne Bordeau
Institut de la qualité de l’expression