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Recommandation Premium d’une Pionnière

La médecine n’a t’elle eu que des « Pères Fondateurs ? » Se déguiser en homme parfois pour suivre des cours, l’entrée des femmes dans la médecine a eu lieu au XIXe siècle. Ces Pionnières «  humanistes donc féministes ont de belles histoires à raconter. A l’occasion de la sortie de son ouvrage, « Pionnières des soins et autres pionnières dans l’histoire des femmes » un désir fort et l’envie de mettre en lumière, Docteure Marie Pascale Schuller ( propos recueillis par martine)

 Docteure Marie Pascale Schuller

« Les pionnières des soins ont bousculé les idées reçues. Femmes, elles ont transgressé les lois et les habitus pour mettre en œuvre ce qui leur tenait à cœur: les soins infirmiers de qualité, l’organisation de réseaux, l’accession aux études médicales jusqu’alors réservées aux hommes, puis l’exercice de leur profession. Elles ont vu Grand et Loin. Elles ont inventé leurs vies. Certaines se revendiquaient féministes, les autres accomplissaient leur destin professionnel. Les pionnieres des soins ne peuvent pas être décrites en dehors du contexte historique du droit des femmes. D’autres pionnières contemporaines les accompagnent: écrivaine, journaliste, orientaliste, créatrice, scientifiques Prix Nobel … 

Nous, femmes, avons besoin d’apprendre notre histoire, celle du droit et celle des pionnières qui nous ont précédé en traçant le chemin.

Création d’ambulances chirurgicales Leïla Hagondokoff, comtesse du Luart 1898-1985

Née dans une riche famille princière et militaire du Caucase, Leïla a choisi dès l’âge de 17 ans sa profession: infirmière militaire. Elle s’occupait des blessés de guerre dans les trains russes puis dans un hôpital de la mer Noire. Son activité était bénévole, puisque l’argent n’était ni une finalité ni une nécessité.

Lors de la révolution russe, Leïla a fui à Shanghai avec son mari. Après son divorce, puis son expatriation aux Etats-Unis, elle a émigré en France. Là, comme beaucoup de réfugiées russes, elle a travaillé dans le mannequinat, en particulier chez Chanel (*) (cf infra). Ladislas du Luart, également appelé comte du Luart, riche français, est devenu son second mari en 1934. Lors de la guerre d’Espagne, Leïla a choisi politiquement le camp des franquistes. Les communistes lui rappelaient trop les mauvais souvenirs de la Russie. Riche de son expérience d’infirmière militaire, elle a imaginé puis concrétisé un système d’ambulances chirurgicales mobiles avec des médecins, des chirurgiens et des infirmières se déplaçant au plus près des zones de combat pour prendre en charge très rapidement les blessés. Son antenne comportait des tentes-hôpital, un centre opératoire doté des installations nécessaires aux transfusions sanguines, des médicaments, en particulier la pénicilline. Ce système était très innovant. Leïla du Luart avait la chance de disposer d’une grande fortune familiale et a de plus réussi à mobiliser des fonds pour mener à bien cette entreprise titanesque. Elle a géré cette organisation pendant 3 ans, se rendant elle-même sur le terrain.

Après les combats en Espagne, elle a participé aux premières batailles de la guerre de 39-45. Grâce à une antenne chirurgicale de quatre-vingt personnes, les vingt et un véhicules, dont deux camions de deux tonnes, pouvaient être transformés en blocs opératoires dans un temps record de 30 minutes.

En 1941, lors d’une épidémie de typhus, Leïla s’est rendue, avec son installation chirurgicale, sur les chantiers de la voie ferrée Méditerranée-Niger pour aider à la prise en charge des malades. Du fait de cette présence en Afrique du Nord, elle a participé activement au suivi des opérations du débarquement américain en 1942. A la libération, Leïla, debout dans sa jeep, altière et triomphante, a défilé sous les applaudissements avec les autres corps de l’armée sur les Champs-Elysées.

En 1946, lors de la guerre d’Indochine, elle est partie sur le front mais en est revenue rapidement pour des raisons familiales (tumeur cérébrale entrainant le décès de son fils).

En 1956, elle a pris part aux soins pendant la guerre d’Algérie. En particulier, elle y a créé les « centres du Luart », zones de repos pour tous les permissionnaires et les légionnaires jusqu’en 1967. Leïla est restée très attachée au groupe des légionnaires qu’elle appelait « ses filleuls ». Ils lui ont rendu un hommage vibrant aux Invalides lors de son décès en 1985. Ses discours n’étaient pas publiquement féministes, mais la force de ses engagements est à la hauteur des autres pionnières des soins. Comme Marie Curie (*), Leïla a combattu pour son pays d’adoption avec un courage hors du commun.

&Décorations: Leïla a reçu les honneurs militaires: commandeur de la Légion d’honneur et Grand officier de l’Ordre national du Mérite. Lors de son décès, ses obsèques ont eu lieu à l’église Saint-Louis-des-invalides.