Texte rédigé par Jean-Luc Scemama
« Reprendre une entreprise, créer une entreprise, pourquoi est-ce si compliqué de transmettre dans notre pays. De nombreuses belles boites vont s’arrêter faute de repreneur; qu’en pensez-vous ? »
Pour cadrer le sujet, rappelons qu’il y a chaque année en France entre 60.000 à 70.000 entreprises transmissibles, dont 75% concernent des fonds de commerce et de l’artisanat. Parmi elles, 40 % sont cédées en externe ; les autres le sont en interne auprès d’enfants ou de salariés.
Les entreprises qui ne trouvent pas de repreneur doivent cesser leurs activités et licencier leurs équipes, générant près de 100.000 demandeurs d’emploi supplémentaires par an et 4,2 Md€ de coût relatif aux indemnités diverses.
La transmission d’entreprise représente donc un potentiel économique de première importance pour notre économie.
Par ailleurs, céder son entreprise coïncide pour 70 % des chefs d’entreprises avec leur départ en retraite. Le produit de la vente de l’entreprise représente une part significative de leurs revenus futurs.
Le choix de vendre son entreprise à un tiers prend en compte 4 éléments :
- L’élimination de la possibilité de transmettre à des enfants ou à des salariés,
- La pérennité de l’entreprise et notamment de l’emploi
- L’espérance de prix net à encaisser,
- Le niveau de risques à prendre.
La cession d’une entreprise est une étape importante à ne pas rater ; le cédant ne doit pas sous-estimer les choix possibles et les incidences fiscales.
Anticiper, planifier une telle opération permet d’optimiser les opportunités et la transmission.
Pourquoi certains n’y arrivent-ils pas ?
- Parce que le prix de vente est trop élevé. Inconsciemment, le cédant souhaite se rémunérer les efforts et sacrifices, voire les besoins pour vivre une retraite sans modifier son train de vie. L’évaluation d’une entreprise est une chose sérieuse ; il y a des professionnelles pour cela. Chaque entreprise est spécifique et a son ADN. La « valeur », qui n’est pas le prix de vente », repose sur de multiples critères de taille, de rentabilité, de pérennité, d’équipe stable et compétente, de potentiel de développement et du marché sur lequel l‘entreprise se situe, etc.
Dans son prix, le dirigeant inclut un coût fiscal qui aurait pû être réduit s’il avait pris certaines dispositions en anticipant son projet, pour alléger la facture fiscale. Ainsi, dans certains cas, l’utilisation du Pacte Dutreil permet de réduire par 10 la note, etc.
- Parce que leur entreprise n’est pas attractive, du fait de :
- sa centralisation excessive autour de son dirigeant. En fait, la cession serait celle du dirigeant, alors que c’est l’entreprise qui devrait être cédée. Une solution serait de structurer l’entreprise et de déléguer, en amont, pour qu’elle ait un sens, une valeur.
- sa situation déclinante liée à un dirigeant qui, se croyant éternel, n’a pas anticipé, ne gérant plus vraiment, mais se limitant à assurer l’intendance d’une entreprise dont les produits vieillissent, tout comme son personnel, où les investissements récents sont réduits à l’indispensable et où l’activité et la rentabilité se réduisent régulièrement,
- Parce que le repreneur ne parvient pas à trouver son financement. En effet, trouver le repreneur adéquat, capable de succéder au cédant parce qu’il pourrait apporter un nouvel envol avec de projets novateurs est un objectif salutaire. Néanmoins, quand le repreneur n’est pas une entreprise qui dispose de moyens générant pour les équipes du cédant un changement de culture, de taille, et quelquefois des difficultés d’intégration, il peut manquer de ressources personnelles pour sécuriser un financeur. C’est là où le recours à des professionnels, conseils spécialisés, pourra être encore plus utile. En effet, le financement peut prendre différentes sources en intégrant du crédit-vendeur, ou l’ouverture à un fonds d’investissement ou la souscription d’obligations convertibles ou cautionnées.
Anticiper est le maître-mot pour optimiser une transmission réussie.
Pour réussir à bien vendre son entreprise, il est des questions essentielles qu’il faut se poser. Il s’agit d’un préalable sur lequel il ne faut pas faire l’impasse. Ces questions de base sont :
- Pourquoi ? (Réaliser un nouveau projet professionnel, prendre sa retraite),
- À qui ? (Mes enfants, un tiers),
- Quoi ? (Un fonds de commerce, des titres),
- Comment ? (Vente, donation)
- Que ferais-je après ?
Des réponses à ces questions découlent la stratégie à mettre en place et les différentes options. C’est pourquoi le cédant a intérêt à :
- Préparer sa vente d’entreprise quelques années avant la cession,
- Se faire accompagner par des professionnels.
Comment réduire la difficulté de la transmission et de la reprise ?
Les facteurs de réussite pour le cédant sont de vendre :
- Quand le temps ne vous presse pas.
- Quand la situation de l’entreprise est stable.
- Quand l’avenir est prometteur.
- Quand la rentabilité est confortable.
- À un repreneur capable de lui succéder (compétences, expérience métier, management, moyens financiers, etc.)
Céder ou transmettre
L’entreprise peut aussi ne pas être « cédée », mais transmise à certains enfants, certains salariés. Ces possibilités, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre, nécessitent beaucoup de finesse, de psychologie et de temps pour préparer un ou certains de ses enfants s’ils en ont l’envie et la capacité, sans léser les autres membres de la fratrie, ou certains salariés.
Demain …
Force est de constater cependant, que ces dernières années, les différents gouvernements et les instances professionnels ont compris que le maintien d’un tissu de PME actives était le gage d’une économie dynamique, exportatrice, créatrice d’emplois. L’exemple du dynamisme de l’économie allemande, qui repose sur un tissu considérable de PME, a contribué à cette prise de conscience. Aussi ont-ils mis en place tout un arsenal juridique et fiscal pour faciliter ces transmissions.
La Loi PACTE que les députés sont en train d’examiner devrait faciliter les transmissions et générer plus de facilité, notamment ai plan fiscal.
Attendons pour voir, mais agissons dès aujourd’hui. C’est la célèbre Agatha Christie qui nous y invite en écrivant « Vis aujourd’hui comme si c’était le dernier jour et fais des projets, comme si tu étais là pour l’éternité »
L’endurance, la vision positive, la persévérance et l’ambition et le management des hommes – sans que cet ordre ne soit une hiérarchie – sont des moteurs importants du chef d’entreprise.
Rappelons-nous ce qu’écrivait Guillaume 1er d’Orange « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »
Jean-Luc SCEMAMA
Expert-comptable
Président des cabinets EXPERTISE & CONSEIL et TRANSMISSION ET CONSEIL
Président du Comité Transmission du Conseil de l’Ordre des Experts-comptables
Fondateur et animateur du Réseau interprofessionnel ARKEYRUS