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Crise sanitaire du Covid-19 : Les banques jouent-elles le jeu ?

Texte écrit par Thierry Legrand, associé d’Exponens

Face à la crise sanitaire actuelle et l’atonie vers laquelle elle entraine l’économie, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures dont le Prêt Garanti par l’Etat.

De quoi s’agit-il ?

Sur le papier, un système très attractif, vous sollicitez votre banque pour une avance de trésorerie sur un an à hauteur maximum de 25 % de votre chiffre d’affaires de l’année antérieure, à adapter pour les entreprises nouvelles et les startups.

Cette somme est garantie à hauteur de 90% par la BPI (pour les entreprises de moins de 1,5 md€ de chiffre d’affaires ou employant moins de 5.000 salariés). Le coût pour une année pour les petites entreprises est de 0,25% de la somme empruntée. Le taux augmente ensuite en fonction de la taille de l’entreprise.

Ce prêt est consenti pour une période de 12 mois, avec ensuite, soit un remboursement immédiat, soit un étalement sur une durée de un à cinq ans à convenir avec sa banque. Ce choix devra intervenir dans les 3 mois précédant l’échéance, et l’entreprise devra payer un intérêt, à négocier avec sa banque, en plus de la garantie BPI.

Sa mise en œuvre devait être très simple, faire une demande à sa banque et se procurer l’attestation sur le site de la BPI remplie par le chef d’entreprise.

En réalité, cela s’avère un peu plus compliqué.

En effet, les banques ne peuvent se défaire d’un certains nombres de leurs réflexes de prêteur de deniers et donc de s’assurer de la solvabilité et de la capacité de remboursement des demandeurs.

Comme il n’y a aucune directive chaque banque y va de ses demandes. Il n’y a pas une banque identique. Cela va de la justification du besoin, à la présentation d’un plan de trésorerie en bonne et due forme, en passant par des attestations de chiffre d’affaires.

Dans tous les cas il est nécessaire que l’entreprise démontre son besoin. Une des méthodes préconisées est de faire part de la perte de marge brute estimée sur la période (chiffre d’affaires – achats directement liés). C’est cette marge brute qui permet de couvrir les charges fixes de l’entreprise. Ce montant peut éventuellement être atténué des économies qui pourraient être générées pendant la période de crise (baisse de consommation d’électricité, diminution de la publicité, des frais de déplacement,…). Cela donne le montant du PGE que l’entreprise peut demander à votre banque.

Rappelons que dans les directives du gouvernement, il est indiqué que les banques n’exigeront pas de documentation excessive et qu’elles devront s’appuyer sur leur connaissance de leurs clients.

Les dossiers faciles passent plutôt sans problème, en revanche c’est plus compliqué pour les entreprises qui ont connu un ralentissement de leur activité en 2019.

Nous avons eu le cas d’une entreprise qui après deux années profitables, a vu son activité ralentir en 2019 et a dégagé un résultat déficitaire. Les banques ne se sont basées que sur cette dernière année pour prétexter une incapacité future de remboursement et donc de refuser le prêt. Cette société qui emploie plus de 50 personnes se trouve de ce fait en grande difficulté et n’a d’autre choix que d’entrer dans une procédure de conciliation pour trouver une issue, procédure longue et coûteuse, en espérant qu’elle aura les moyens de tenir les 4 mois de la procédure.

Mais qu’elle est la réelle responsabilité de la banque en cas de défaillance ? A ce jour, rien n’est très clair, néanmoins le gouvernement précise que si une banque octroie un prêt à une entreprise dont les fonds propres son négatifs, ou inférieur à la moitié de son capital, elle ne s’expose en aucune manière à une éventuelle annulation ou déchéance de la garantie de l’Etat sur ce seul motif. Donc, la vérification par les banques ne devrait porter que sur le fait de ne pas être en procédure collective au 31/12/2019.

Dans la réalité, on s’aperçoit qu’elles restent toujours un peu frileuses sur les dossiers dit à risque.

Nous sentons également un engorgement des services dans les banques par rapport à l’afflux des demandes. Les dossiers restent lourds à traiter.

Il ressort aujourd’hui que seuls 3% des demandes seraient refusés. Mais cela ne comptabilise pas les dossiers en attentes, pour lesquels les banques préféreraient faire patienter plutôt que de donner un refus. Et comment comptabilise-t-on l’entreprise à laquelle on a accordé que 80% de la somme demandée, ou celle à qui on a annoncé un partage du prêt entre 2 banques, mais dont la deuxième à refuser.

Quelles solutions restent-ils pour les entreprises dont la demande est rejetée ?

La deuxième loi de finances rectificative adoptée fin de semaine dernière prévoit la possibilité d’accorder un prêt à certaines petites entreprises directement par l’Etat. Les modalités n’en sont pas encore fixées.

Il pourrait s’agir du fameux prêt rebond accordé par la BPI. Le seul hic est que ce prêt est subordonné au bon vouloir de l’agence régionale de la BPI. Cela veut dire que certaines régions ne pourront en bénéficier. La liste des régions est attendue avec impatience.

Il s’agit d’un prêt de 10.000 € à 300.000 €, sur une durée de 7 ans avec un différé de remboursement de capital de 2 ans. Ce prêt est réservé aux PME (- de 250 salariés, – de 50 millions de chiffre d’affaires ou total de bilan inférieur à 43 m€).

Si les banques sont très sollicitées et encore incertaines dans leur décision, l’expert-comptable reste là pour accompagner les entreprises dans leurs démarches. Elles ont jusqu’en décembre. Il sera également l’interlocuteur privilégié pour la mise en œuvre du prêt rebond dans les régions où il sera mis en place.