Portraits

Portrait Anne Durez, Présidente Femmes de Loi

Martine Abbou
Ecrit par Martine Abbou

“Promouvoir, Renforcer, Développer, l’association Femmes de loi rassemble des femmes juriste, Anne Durez, présidente a accepté de répondre en toute simplicité à nos questions. Inspirante, femme d’exception, ” les femmes de loi se doivent d’avoir un regard nouveau, impulser un nouveau droit moins contraignant, plus juste plus simple, plus pragmatique, mieux compris, en un mot un droit facteur de compétitivité et de progrès pour tous.”

Qui êtes-vous  Madame?

Je suis une femme engagée. Jeune, j’avais déjà une certaine conscience de la nécessité de se lever, de se faire entendre et bien sûr d’agir pour faire bouger les lignes.” Inspirante

Inspirante, tout naturellement  Anne Durez s’est tournée vers la profession d’avocat, car elle porte en elle le combat pour tenter de réparer ou de faire réparer un certain nombre d’injustices. En 1995, avec d’autres avocats d’affaires elle cofonde l’association « Droits d’urgence » dont la vocation est d’informer et d’aider les personnes en situation d’exclusion à faire valoir leurs droits. On le voit bien : l’accès au droit est un outil de lutte contre l’exclusion et l’information du grand public doit sur ce point être renforcée.

Quels sont les principaux traits de votre caractère ?

Je m’efforce de mettre en œuvre plusieurs traits de caractère attendus des personnes en situation de responsabilité : le respect, le courage et la bienveillance. La bienveillance a longtemps été perçue comme une certaine forme de faiblesse. Au contraire je considère qu’elle est le ciment de toute relation humaine et de la vie en société, quel que soit le niveau d’exercice du pouvoir. Un dirigeant ou une dirigeante s’appuie sur des équipes et si l’exigence doit présider à la décision, la recherche de la perfection est généralement contre-productive et inhibe la motivation de celles et ceux qui vous entourent. Je voudrais aussi ajouter que si l’exercice du pouvoir peut conduire à renoncer temporairement à certains objectifs, rien ne doit nous détourner des valeurs cardinales qui guident notre action. C’est une boussole, une colonne vertébrale qui nous rappelle que même dans les tempêtes et lorsque des décisions sont difficiles à prendre, les valeurs que l’on a choisies doivent continuer à s’appliquer.

Pour les jeunes…. Convaincue que les efforts doivent être en particulier tournés vers les jeunes, elle a le plaisir d’avoir été la marraine de plusieurs d’entre eux au sein de l’association « Nos Quartiers ont des Talents ». Ce formidable programme est un levier pour l’insertion des jeunes diplômés de milieux modestes et bien sûr c’est avant tout une aventure humaine enrichissante pour tous.

Briser le double plafond de verre…… Dans le même esprit, Anne Durez a eu  la chance de participer à une autre démarche mise en place par le Club 21ème siècle, appelée « Les Entretiens de l’Excellence ». L’action à mener, rencontrer des collégiens et lycéens issus des diversités culturelles, territoriales et sociales qui hésitent dans le choix d’une orientation d’études parce qu’ils ne connaissent tout simplement pas les débouchés, les métiers, voire les universités ou encore les écoles où ils pourraient poursuivre des études supérieures. Pour oser et franchir un certain nombre de plafonds de verre, il faut commencer par avoir accès à l’information et au champ des possibles.

Et avec Femmes de Loi …. Depuis plusieurs années, mon engagement s’exprime aussi au sein de l’association « Femmes de Loi », que j’ai l’honneur de présider. Des femmes juristes, avocates, magistrats et professeures de droit se rassemblent, elles souhaitent contribuer à construire un monde plus juste et plus éthique. La justice et l’état de droit sont dans le droit fil de notre pacte social et la question de l’égalité entre les femmes et les hommes doit continuer à progresser pour que notre société soit apaisée. La défense du plus faible contre le plus fort contribue à construire une société plus juste dans laquelle tout devient possible et où réaliser son rêve doit être à la portée de tous.

Bien sûr c’est une affaire de législation mais c’est aussi une démarche à mettre en œuvre au quotidien, dans nos organisations qui sont encore très influencées par les stéréotypes de genre.

Parlez-nous un peu plus de l’association « Femmes de Loi ». Comment est né votre projet ?

Les femmes représentent environ 50 % de l’humanité. L’égalité entre les femmes et les hommes est vue par l’ONU comme le socle indispensable pour que notre monde soit prospère et pacifique. D’ailleurs, parmi les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) établis par l’ONU et à atteindre en 2030, le 5ème est centré sur les femmes puisqu’il s’agit de « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser les femmes et les filles ».
Si des progrès importants ont été réalisés sur le chemin de cette égalité, au rythme où progresse la réduction des inégalités économiques entre les deux sexes il faudra encore 250 ans pour atteindre une réelle égalité ! C’est pour cette raison que notre association « Femmes de Loi » souhaite apporter sa contribution pour que les jeunes femmes et les femmes puissent, dans le monde du travail, avoir une progression de carrière à l’égal des hommes, soient rémunérées à l’égal des hommes, osent assumer des fonctions à l’égal des hommes et enfin qu’elles puissent s’asseoir à la table du pouvoir, à l’égal des hommes.

Quelles sont vos contributions pour faire avancer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ? Outre les actions de lobbying que nous menons auprès des pouvoirs publics, nous organisons régulièrement des rencontres avec des leaders d’opinion et des décideurs femmes et hommes issus du monde du droit, des affaires ou encore institutionnel. C’est ainsi que nous avons eu le plaisir de recevoir, notamment, Mercedes Erra, dirigeante d’Havas ou encore Dominique de la Garanderie, première femme bâtonnier du barreau de Paris et Jacques Toubon, lorsqu’il était défenseur des droits. Ces rencontres nourrissent l’envie de nos membres de s’identifier à des rôle modèles, ouvrent leur curiosité et font grandir leur audace. Il ne suffit pas de vouloir faire vivre un projet professionnel pour y parvenir, la volonté d’agir certes, clés du succès, mais encore mieux l’accompagnement avec un ou une mentor. Ils conseilleront ses jeunes dans leurs choix, tout au long des étapes importantes de leurs carrières.

Essentiel... avec d’autres, j’ai à coeur à cœur d’associer des étudiantes à ces rencontres car c’est en effet tôt, avant d’entrer sur le marché du travail, qu’il faut penser à en comprendre les codes, à se constituer un réseau et à se nourrir des expériences des aînés. La conscience que chacune et chacun peut apporter sa pierre à l’édifice de l’égalité professionnelle doit également se forger jeune car les étudiantes d’aujourd’hui sont les leaders de demain.

Vos projets? Nous travaillons actuellement sur un projet de prix qui sera décerné aux étudiantes et étudiants les plus méritants d’une université de droit de la région parisienne car nous pensons que les attentions ne doivent pas systématiquement se porter vers les universités parisiennes plus connues. C’est une démarche qui participe d’un objectif d’égalité pour tous. Les étudiants sélectionnés auront la possibilité de partir à l’étranger effectuer un stage dans un cabinet d’avocats aux Etats-Unis ou en Asie.

Et puis j’apprends à cultiver la patience, qui n’est pas toujours naturelle dans un monde où nous devons toujours aller plus vite ! Pourtant il faut se poser avant de prendre une décision, sans compter que l’on peut avoir tort d’avoir raison trop tôt…L’humilité, un objectif à poursuivre !

Comment voyez-vous le futur de l’après-Covid ?

La crise sanitaire a profondément bousculé nos modes de travail et de vie. Les femmes, hélas, ont souvent pâti de cette situation. Je crois que l’essentiel pour chacune et chacun d’entre nous est de parvenir à trouver un alignement entre nos aspirations et nos contraintes. C’est un objectif ambitieux, qui peut prendre du temps mais cela vaut la peine de poursuivre nos rêves. Rien ne serait pire que de regarder les trains passer et de vivre avec des regrets. Le réseau Wimadame en est l’illustration puisqu’il est le réseau des femmes entrepreneures de leur vie !

Et Les femmes entrepreneures? Au sens de créatrices de leur entreprise,elles doivent pouvoir accéder aux financements autant que les hommes et il est indispensable de flécher les financements, notamment publics, pour que les femmes en soient aussi les bénéficiaires.

Au sein de « Femmes de Loi » nous sommes très attentives à un enjeu majeur au 21ème siècle : celui de la transmission du savoir et de l’expérience professionnelle entre les générations. Si nos entreprises ne veulent pas se pencher sur cette question, les clivages entre les générations ne feront que s’accentuer et une partie des compétences sera perdue. A un moment où notre société est particulièrement fracturée, rien ne serait pire que d’accentuer cette fracture. Les femmes peuvent à cet égard être exemplaires et mettre en œuvre cette transmission, qui est en quelque sorte celle de la vie.

Il me semble aussi que l’engagement, sous des formes multiples, sera plus que jamais au cœur de nos vies professionnelles et personnelles. Comment construire des entreprises et des organisations humaines attentives à leurs parties prenantes, comment rester solidaire dans un monde de plus en plus virtuel, tels sont quelques-uns des défis passionnants à relever.

Vos héros ou vos héroïnes ?

Il y en a tellement ! Elizabeth Badinter, féministe universaliste, représente à mes yeux un modèle de féminisme qui s’attache avant tout à la culture et à l’éducation pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Olympe de Gouges est une autre figure féministe très courageuse qui, pendant la Révolution française, a eu l’audace d’écrire la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », à une époque où les femmes étaient exclues de la vie politique, sans droit de vote. On peut rappeler ses propos « La femme a le droit de monter à la guillotine, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ».

Plus proche de nous, l’ancienne juriste et magistrate à la Cour Suprême des Etats-Unis, Ruth Bader Ginsburg, qui a toute sa vie œuvré pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Parmi les hommes, je citerai Nelson Mandela, homme de paix qui est resté 28 ans emprisonné pour rester fidèle à ses convictions et qui a rassemblé l’Afrique du sud après sa libération.

Certes, nous n’avons pas toutes et tous vocation à devenir des héros ou des héroïnes mais nous pouvons apporter une petite pierre à l’édifice de l’égalité. Notre monde vit des bouleversements sans précédent et il est plus urgent que jamais de s’engager.

Quel est votre mot préféré ? Merci ! Car je puise mon énergie, mes rêves, mon ambition et ma curiosité auprès de celles et ceux que j’ai rencontrés et qui sont autant de guides dans ma vie professionnelle et personnelle. On peut regarder la montagne seule et s’émerveiller de sa beauté. Pour parvenir au sommet et franchir les cols, il faut être plusieurs.

Quels livres vous inspirent ?

« My own words » de Ruth Bader Ginsberg, que je citais précédemment, et qui illustre son combat de toute une vie en faveur de l’égalité femmes- hommes et de la lutte contre les discriminations.

« La femme, la vie, la liberté », écrit par Leïla Mustapha, jeune femme kurde et syrienne, maire de Raqqa depuis 2017 et Marine de Tilly, grand reporter. Ce récit est celui d’une femme de paix dans un pays longtemps en guerre, un symbole d’espoir.

Et puis j’ai aussi envie de partager avec vous le fameux traité sur « L’amitié », de Cicéron, qui porte en lui les valeurs dont je vous parlais plus tôt : le respect, la bienveillance et aussi la sincérité.

Quelle question auriez-vous aimé que je vous pose ?

Aimeriez-vous remonter le temps ? C’est une question séduisante et pourtant…je préfère regarder droit devant !

Un grand merci Madame, tous nos voeux de réussite